mercredi 9 mars 2022

Didier Moulinier : Extraits d'un Lexique europanalytique. A partir des écrits de Serge Valdinoci

 Les Contemporains favoris - Mars 2022



ISBN : 9782909140643


L'Europanalyse désigne moins une doctrine personnelle qu'une méthode de pensée, découverte ou « inventée » par le philosophe français Serge Valdinoci. On trouvera dans ces pages quelques extraits d'un lexique en cours d'écriture, composé à partir des livres de cet auteur. Contrairement aux lexiques à vocation pédagogique qui prolifèrent aujourd'hui, ce travail ne vise nullement à simplifier ou même à clarifier la pensée de Valdinoci ; plutôt il en accentue le caractère à la fois dense et vertigineux, d'une part en se concentrant (littéralement) sur le seul vocabulaire, d'autre part en se prenant au jeu d'une écriture en invention. L'invention d’après Valdinoci caractérise une pensée analytique réelle, c’est-à-dire en l'interne, là où les sciences scientifiques distinguent la pensée (intérieure) et le réel (extérieur), là où la culture partage la philosophie et les sciences. Quant au vocable “europe” il exprime ici l’équivalence du réel et de la pensée, mais posée en immanence, et non dans le rapport transcendantal de l’intérieur et de l’extérieur, comme en Europe-philosophie. Précisément en europe immanente, réelle, prédomine une pensée antéprédicative et antéculturelle - tout sauf erratique, mais zigzagante - qui, à la vérité, est la source vive de la rationalité philosophique.

Un lexique ne poursuit aucune finalité encyclopédique, bien au contraire ; une encyclopédie thématique reconduirait à une pensée en extériorité, et finalement au fantasme de totalité philosophique. Le lexique, s'écrivant et se lisant en immersion pure au plus près des écrits valdinociens, se donne pour fonction d'introduire littéralement, sans « explications » ni commentaires superflus, à l'europanalyse. (Aussi pareil projet pourrait parfaitement se passer d'introduction, n'étaient les nécessités de la communication, les contraintes culturelles, éditoriales, etc.) Les termes se succèdent certes conventionnellement, formant des îlots d'écriture selon un ordre alphabétique apparent. Mais leur présentation n'obéit qu'aux lois strictes de l'analyse, à l'opposé des synthèses de type philosophique.

Insistons aussi sur le fait qu’un lexique en-écriture et en-invention, se différencie radicalement d’un dictionnaire dressant une liste de concepts objectifs, uniquement proposé à des fins de communication ou de vulgarisation. Ici, ces aspects « utiles » ne peuvent venir – éventuellement – que de surcroît.

Qu'est-ce qu'une écriture analytique en invention, dans le langage valdinocien ? Déjà à l'échelle linguistique, l'on distingue la grammaire, qui règle les contacts entre les mots dans l'espace, et l'engrammatique qui est la science du contact-en-tact (voir ce mot). Celle-ci renvoie les synthèses grammaticales à une épaisseur analytique réelle. Il en va de même au niveau de la construction du discours. L'écriture inscriptive ou inventive n’est pas d’abord réflexive, elle procède cliniquement (anaklitos, c'est se reverser en arrière) et non prospectivement. Cette structuration reprend plus généralement les lois de différenciation « stéréonomique » qui caractérisent l'intégralisation, processus opposé à l'intégration philosophique. Existe une intégrale de pensée en épaisseur faisant figure de « zigzag » (voir ce mot), à l'opposé du cercle réflexif des philosophes. En l'occurrence toute l'œuvre de Valdinoci procède par séries de zigzags d'écriture inventive, conciliant la profondeur engrammatique avec une nécessaire exigence communicationnelle.

De même la lecture vive suit un axe d'effondrement impressionnel, traversant en diagonale les masses expressionnelles apparentes. Lire les ouvrages de Valdinoci peut paraître éprouvant, en tant qu'immersion réelle ; mais une épreuve probante car jamais le lecteur assidu ne « décroche » ou ne se perd, dans cette im-mensité (à la différence de tant de livres philosophiques). Alors écriture (interne) et lecture (externe, mais non extérieure) font résonance, en parfaite stéréonomie. Écrivain et lecteur ne sont pas d'abord communicants mais immanents, engagés également dans l'écriture im-mense.

Les textes europanalytiques constituent un seul texte en invention antéprédicative, par-delà ces îlots communicationnels que sont les livres publiés par Serge Valdinoci. Il en va de même – toutes proportions gardées – avec ce lexique et les articles qui le composent.

Les textes ne comportent ni citations, ni références, délibérément.


Didier Moulinier est professeur et docteur en philosophie. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages.



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